La tribune- objectif aquitaine – Par Pierre Cheminade le 21/01/2021
Selon les chiffres définitifs compilés par la Direccte de Nouvelle-Aquitaine, le nombre de suppressions d’emplois dans le cadre des procédures de licenciement économique, plan de sauvegarde de l’emploi et rupture conventionnelle collective, est en repli de 17 % en 2020 par rapport à 2019. Une bonne nouvelle toute relative et qui risque de ne pas durer. La Tribune fait le point.
A l’instar de la tendance nationale qui fait état d’une baisse de -38 % du nombre de défaillances d’entreprises en France en 2020, soit le niveau le plus bas depuis 30 ans, la conjoncture économique en Nouvelle-Aquitaine a plutôt bien résisté sur le front de l’emploi. Et alors que les annonces de plans sociaux massifs se succèdent en Occitanie, avec plus de 4500 emplois menacés à la fin décembre, la Nouvelle-Aquitaine se montre plus résiliente notamment grâce à la plus grande diversité de son tissu économique.
Aéronautique, automobile, industrie
Les chiffres définitifs de la Direccte Nouvelle-Aquitaine (direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) pour l’année 2020 font ainsi état d’un recul de 17 % des suppressions d’emplois sur un an. Ainsi, très exactement 2.652 suppressions d’emplois de 87 entreprises dans le cadre des procédures de licenciement économique, plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) et rupture conventionnelle collective (RCC), ont fait l’objet d’une validation ou homologation par la Direccte l’an dernier, contre 3.198 suppressions dans 75 entreprises concernées en 2019.
Dans le détail, 18 secteurs d’activités représentent plus de 80 % du total de suppressions d’emplois enregistrées en 2020 dans la région. Sans surprise, la construction aéronautique etspatiale, la fabrication d’équipements automobiles et la mécanique industrielle sont particulièrement frappées. Dans l’aéronautique, des licenciements ont eu lieu ou sont en cours notamment chez Lisi Aerospace, Mecafi (Nexteam Group), MAP, JVGroup, Lauak et The Gill Corporation. L’industrie est aussi touchée avec notamment CNB, Toray CFE, Verallia, Finsa, Paccor, les Fonderies du Poitou et Etex. Un plan social est aussi en cours chez le fabricant Repetto, au sein de la maison Cognac Camus ou encore chez Delpeyrat.
Une bonne nouvelle très relative
Faut-il pour autant se réjouir, même temporairement, de ce premier bilan chiffré ? Pas nécessairement. D’abord parce que les PSE ne recouvrent pas tous les licenciements mais seulement les cas où une entreprise d’au moins 50 salariés procède au licenciement pour motif économique d’au moins 10 salariés sur 30 jours. En-dessous de ce radar, les entreprises sont censées transmettre les chiffres à la Direccte mais ne le font pas toutes. Ensuite, parce que l’année 2019 a été marquée par l’important PSE signant la fin de l’histoire de Ford Aquitaine Industries à Blanquefort avec environ 550 licenciements économiques. Enfin, parce que la validation ou l’homologation de la Direccte n’intervient qu’à la fin de la procédure de PSE, ce qui signifie que la plupart des plans de licenciements décidés depuis l’automne 2020 et mentionnés plus haut n’ont pas encore été visés par les services de l’Etat à ce stade puisque les PSE nécessitent un délai de deux à quatre mois.
Par ailleurs, ces chiffres ne reflètent pas tous les travailleurs invisibles du marché de l’emploi : intérimaires, travailleurs indépendants, freelances, extra, etc.. qui sont déjà en difficultés ou sans emploi mais qui n’entrent pas dans le champ de cet indicateur. Selon les chiffres de l’Urssaf retraités par la Région Nouvelle-Aquitaine, l’impact de la crise sur l’emploi régional était déjà bien réel dès le deuxième trimestre 2020 avec 45.000 emplois détruits comparativement au dernier trimestre 2019, notamment dans l’intérim, la restauration et l’hébergement.
Néanmoins, ce que montre à nouveau cet indicateur c’est la mise sous cloche de l’économique française et régionale. Les plans massifs de l’Etat pour soutenir les entreprises et les commerces (aides, activité partielle, PGE…) jouent à plein en plaçant les acteurs économiques sous perfusion. « Au global, l’année 2020 n’a pas été catastrophique, elle n’a pas été bonne mais elle n’a pas été catastrophique ! Maintenant, quid de 2021 ? […] Je n’ai pas de boule de cristal, ni de baguette magique mais, oui, il va y avoir une crise économique derrière cette crise sanitaire ! », jugeait il y a quelques jours Mikael Hugonnet, le nouveau président de l’Ordre des experts comptables de Nouvelle-Aquitaine. « On a le sentiment d’être en plein dans cette période calme avant la tempête », observait également fin 2020 Jean-Marie Picot, le président du tribunal de commerce de Bordeaux.